Des fiançailles sans le consentement des salariés

 

Une nouvelle fois, c'est dans la presse qu'il faut aller chercher les informations les plus claires et les plus complètes concernant les fiançailles forcées entre France Bleu et France 3.

Depuis la lettre d'intention commune de Sibyle Veil et Delphine Ernotte l'hiver dernier, la direction de Radio France n'a de cesse de nous dire que rien n'est fait, que tout va bien, en clair : "ayez confiance !" Mais depuis la rentrée, tout s'accélère : annonce de la disparition du nom France Bleu au profit de "la marque ICI", annonce d'un budget désormais en partie conditionné aux collaborations avec France Télévisions, et enfin une communication commune des présidentes pour enfoncer le clou.

Ce qui devrait être discuté est, en fait, officiellement acté, ce qui renforce les inquiétudes des équipes de France Bleu. Car non, contrairement à l’instrumentalisation de "La Grande Consultation", il n'y a pas de consensus dans le réseau autour de ce rapprochement, d’autant moins qu’avec ICI, la direction entérine la disparition du nom France Bleu.

Dans ce projet, tout se résume en une phrase, comme un slogan publicitaire : "Une ligne éditoriale commune, une marque unique, une union des moyens."

Une ligne éditoriale et une gouvernance commune : comment ne pas voir là une perte d'autonomie pour les équipes de France Bleu ? C'est une ligne rouge que nous ne pourrons laisser franchir. Jamais nous ne pourrons accepter d’abandonner un terrain de reportage ou d'émission pour laisser la place à France 3, en récupérant ensuite le son de la télévision. La direction tente de rassurer en affirmant que nous continuerons de produire de notre côté ce que nous ne pourrons faire en commun. Mais personne n'est dupe. Chacun a bien compris que le danger est là : une perte de liberté éditoriale qui deviendrait rapidement une perte de moyens, et donc de postes.

Le contexte est intenable à Radio France, avec de fortes tensions sur les moyens humains et matériels, en particulier à France Bleu où le cabinet ISAST a caractérisé des risques psychosociaux graves et généralisés. Et pourtant Sibyle Veil annonce dans la presse : "On veut faire mieux, pour pas un euro de plus". C'est révélateur du projet réel : développer le numérique, aller chercher de nouveaux publics, notamment plus jeunes, mais sans argent. Ce sera donc forcément au détriment de la radio.

Erigé en exemple par les deux entreprises, le regroupement des équipes de France Bleu et de France 3, à Rennes, montre aussi cette accélération. Au départ, il s'agissait juste de partager des locaux, chacun de son côté. Désormais, il est question de pouvoir utiliser les studios de la télévision pour la matinale filmée. Et après ?

Peu à peu, les directions avancent leurs pions, et jouent avec les salariés. Qui parle, à Radio France, de ce projet de regroupement des équipes picardes des deux réseaux que France 3 a déjà chiffré ? Tout ceci laisse la désagréable impression que tout se passe dans notre dos. Mais n'est-ce qu'une impression ?

Madame la Présidente, ce n'est ni le bon signal, ni la bonne méthode, ni même le bon projet.

Paris, le 24 octobre 2023

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