LICENCIEMENT DE GUILLAUME MEURICE : LA FAUTE GRAVE DE SIBYLE VEIL
C’était le suspens le moins haletant que l’on puisse imaginer : Guillaume Meurice est licencié pour « faute grave » à la suite d’une procédure disciplinaire de façade. La décision semblait prise par la Présidente depuis belle lurette, mais, stratège, Sibyle Veil a attendu les résultats des élections européennes pour annoncer cette sentence. Le pari est gagnant puisque tous les regards sont tournés vers les conséquences de la dissolution de l’Assemblée Nationale. Le sort d’un humoriste ne pèse rien face à un tel séisme, pourtant, le licenciement d’un humoriste politique n’est pas sans rapport avec le contexte actuel. Loin de là !
Ne nous leurrons pas, ça n’est pas la première fois qu’un humoriste est débarqué d’une antenne pour avoir tapé trop fort au goût du pouvoir sur une personnalité influente. Radio France a déjà connu des périodes de purge, dont Guillon et Porte furent victimes sous le règne de Philippe Val. En revanche, le 11 juin 2024 marquera le retour à la censure, une tradition plus ancienne, époque Pompidou / Peyrefitte, quand le ministre de l’Information pouvait, d’un coup de fil, briser la carrière d’un contestataire du régime. Aujourd’hui, Sibyle Veil remet à l’honneur cette tradition en décidant de rompre violemment le contrat - déjà précaire - d’un humoriste qui aura commis l’outrecuidance de lui déplaire. L’indigence des accusations évoquées lors de la commission de discipline ne trompe personne. En aucun cas, la Direction n’a pu démontrer que la chronique du 28 avril exposait la chaîne à une sanction de l’Arcom.
Rappeler les ressorts de l’humour en commission de discipline est assez cocasse, voire surréaliste. Devoir expliquer que “citer une blague” n’est pas “réitérer une blague” confine à l’absurde. En revanche, le “contrat moral entre les auditeurs et la chaîne” a bien été abimé. En profondeur et durablement. Non par un humoriste s’étant attaqué au Premier Ministre israélien, mais par une Direction qui sacrifie l’une des valeurs fondamentales de la radio publique : la liberté d’expression. France Inter a toujours connu dans son histoire des polémiques et des coups d’éclats. Pierre Dac, Jean Yann ou Pierre Desproges ont suscité des sacs de courriers d’auditeurs choqués par leurs provocations.
Sibyle Veil déstabilise l’ensemble de l’entreprise en cédant aux pressions du gouvernement, de l’extrême droite, des groupes privés (rayez la mention inutile...). Cet acte de censure entachera à jamais le bilan de son action marqué par d’incessantes réorganisations et une compression des effectifs qui laissent les services en tension permanente.
Madame Veil, alors que l’extrême-droite est aux portes du pouvoir, alors que la France est clivée, alors que les médias privés sont aux mains du pouvoir de l’argent, alors que le pluralisme a disparu des écrans en faveur du pilonnage d’opinions monochromes, votre décision fragilise considérablement l’ensemble de notre entreprise. Cela se fera au prix de la défiance des personnels de Radio France et de ses auditeurs. Quel choix faites-vous là ?
Paris le 10 juin 2024